Article un peu en marge aujourd’hui pour partager mon expérience d’ancienne vie de « graphiste ». Voici quelques facettes méconnues de ce métier qui vous donneront un aperçu de ce que peuvent vivre les designers et autres illustrateurs.

La « passion », source d’énergie ou source de manipulation

decor BD

Pour celles et ceux qui me connaissent un peu savent que je dessine. Ce n’est pas peu dire car dans une ancienne vie (pas si lointaine), c’était mon métier principal ! Et cette discipline, comme tout ce qui touche à l’artistique est largement menée par la passion. On y passe du temps, de l’énergie, sans comptabiliser les heures, on se trompe, on s’entraine, on s’améliore… non pas dans un but de reconnaissance, mais tout simplement parce que cela nous plait. Bref, ce qui définit une passion.

Aprés des études en arts appliqués, je me suis donc lancé dans ce qu’il me plaisait le plus : la B.D allant jusqu’à vivre en tant que « professionnel » durant 2 ans, et derrière un pseudonyme j’ai même dédicacé quelques albums au festival d’Angoulême. C’est lorsque j’ai vu la vie de galère que menait la plupart des auteurs, que je me suis tourné dans quelque chose de plus terre à terre : l’illustration pour l’edition.

Je suis donc entré dans une grande société de conception de produits dérivés sous licences en tant qu’illustrateur et je me suis confronté à la réalité économique du dessin. Pour être une source de revenus rentable, il fallait y adosser du marketing, étudier les ventes, avoir une notion de « produit », bref l’exacte opposé de toute notion purement ‘artistique’.

Contre toute attente cet aspect « études des ventes » m’a beaucoup plus et je me suis ‘amusé’ à essayer de créer ce que je sentais comme potentiellement « bankable » (datas à l’appui) et petit à petit je développais une sensibilité à des choses plus générales (positionnement, design, storytelling…). Avec les années, je suis passé directeur artistique europe des produits sous licence puis directeur artistique multimédia quand la société a pris le virage du web. De quoi voir la problématique du « graphiste » sous tous les angles au fur et à mesure du temps dans pas mal de disciplines.

Ce qu’on ne vous a jamais dit sur la BD

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En ce qui concerne la BD, je ne vais pas tourner autour du pot, c’est sans doute le métier le moins rentable du monde. Imaginez passer 10 à 14 heures par jour à dessiner, avec plusieurs mois de préparation pour l’écriture du scénario, les aller/retours avec les responsables d’édition, de la pression temporelle. Et surtout ENORMEMENT de patience, petit florilège :

« ouais elle est chouette l’histoire, par contre ce personnage là tu peux l’enlever ? »

« Je sais que le responsable de collection a validé tes couleurs, mais c’est moi le dessinateur et tu es à mon service… »

« Voilà le contrat, si tu délivres pas dans les temps, tu nous devras…. »

Ramené tout cela au temps que vous passez, vous  noterez que c’est très en dessous de la quasi totalité des métiers qui existent. Pour vous donner une idée, le prix (à l’époque) d’une planche colorisée était d’environ 150€ soit environ 6600€ pour une BD en avance sur droits. Si les ventes dépassaient un certain seuil, des droits d’auteur vous étaient reversés.

Vous avez alors 2 solutions :

-1/Devenir très connu et donc cravacher pour sortir des albums qui se vendent

-2/Faire des à-côté, vendre des dessins en direct pour des sociétés

Mais la dure réalité c’est que énormément d’auteurs vivent très en dessous du smic et/ou cumule avec un petit boulot à côté, obligeant à faire des journées interminables pour tout délivrer à temps. De ce fait pas mal d’auteurs sont passionnés d’abord et veulent voir leur « bébé » édité quitte à accepter des conditions dégradantes comme par exemple celle d’éditeur qui publient gratuitement des planches entières et vous rémunèrent « si ça marche » mais au moins « vous avez la chance d’avoir votre album édité ».

A noter pour les SEO et autres qui me connaissent un peu : Concernant la B.D chez Soumettre.fr, c’est autre chose car c’est un travail one shot qui a le mérite de s’être particulièrement bien passé puisque c’est moi qui avait fixé les prix librement. Quand cela se passe au petits oignons, autant aussi le stipuler !

Illustrateur/designer en entreprise : autre métier, autre réalité

Concernant le travail d’illustrateur/graphiste ou même designer, les problématiques sont différentes. Là vous avez un salaire fixe et des horaires, ce qui permet d’avoir une vie pro/perso équilibrée. La différence se fait sur la « demande » marketing.

Ma première grosse claque fut lorsque j’ai reçu le premier relevé de ventes de produits que j’avais designé sous licence : Sur un j’avais passé 5 jours à faire un décor de la cité interdite et la meilleure vente était un personnage tout simple avec un coeur fait en 10 minutes. Premier constat : les gens se moquent que ce soit « beau », il faut que ça leur parle.

Mais pour « l’image » de l’entreprise, c’était mieux d’avoir des réalisations de qualité. Il fallait donc mixer le soin porté au design tout en répondant à des besoin marketing, et cet exercice permet de prendre plaisir à exercer sa passion.

Le plus dur est donc de répondre à ce besoin marketing en essayant de bien comprendre la demande et de la rendre palpable en dessin. Autant vous pouvez « bacler » ou réaliser sans envie un tableur excel ou un document, autant c’est impossible avec cette discipline : un dessin vite fait et fait sans envie se voit comme le nez au milieu de la figure, il faut donc tout le temps être à presque 100% !

Je me souviens de cette anecdote où le directeur artistique d’une grande firme américaine que vous connaissez sans doute s’est invité à une réunion de travail pour juger la qualité technique et artistique de mes illustrations. Autant dire, qu’il valait mieux être à son maximum !

Mais rassurez-vous, j’ai eu le droit aussi à la mise à l’épreuve de ma patience :

« Je l’ai montré à ma secrétaire, elle aussi elle préfère en bleu »

« Y’a un truc qui me choque, mais j’arrive pas à le définir »

« Merci pour tes modifs, mais je préférais ta version d’avant, tu l’as gardé au moins ? »

« Super ce dessin, il m’en faudrait encore 72 autres pour la fin de semaine »

Autre soucis qui reviendra dans mes autres postes similaires : la pression temporelle. La réalité, c’est que vous devez faire vite ET bien. « T’auras fini pour quand ? », rassurez-vous avez les années on va plus rapidement.

La particularité des métiers artistiques c’est que pas mal de gens (et j’en ai fait parti) ont un égo par rapport à ce qu’ils créent , et l’implication est parfois tellement forte que certains pètent littéralement les plombs en cas de désaccord.

T’es Free ? On t’a pas tout compris !

Quand vous exercer votre art dans d’autre domaines, pareil, la patience sera votre maître mot, vous serez en frontal avec des personnes qui ont la méconnaissance totale de votre métier, sans nécessairement vous provoquer volontairement. Soyez donc diplomates 🙂

-« Ah mais attend, tu me prends 150€ juste pour un logo de 5 centimètres ? »

-« Ah oui 80€ juste pour une image sur ma page » ?

-« Je pensais pas que c’etait ce prix là, pourtant sur Google images c’est gratuit ».

Pour info il me faut environ 30 minutes pour faire un petit dessin pour un blog mais cela peut aller jusqu’à 8/12h de travail pour un dessin « pro » type affiche/bandeau FB etc… il faut donc souvent parler du temps que vous passez mais aussi du « savoir-faire », celui que vous avez acquis en trimant pendant des années, il n’est pas à vendre pour des clopinettes quand vous vous en servez pour du pro.

 

 

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